La cour de cassation rappelle que le délai d’un mois pour faire opposition à une ordonnance d’injonction de payer court à compter de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer ou de toute mesure d’exécution fondée sur cette ordonnance.
Cass. civ. 2, 18 février 2016, n° 14-26.395
Rappelons d’abord ce qu’est une ordonnance d’injonction de payer.
Lorsqu’un débiteur (celui qui doit de l’argent) n’a pas réglé sa dette malgré relance et mise en demeure, il est possible de l’obliger à payer en recourant à la procédure d’injonction de payer. Cette procédure consiste pour le créancier ou son représentant à se procurer une requête auprès du greffe de la juridiction compétente (juridiction de proximité, tribunal d’instance, tribunal de commerce ou tribunal de grande instance) à la compléter afin de préciser notamment ce qui est dû par le débiteur, à joindre les pièces justificatives et à remettre le tout au greffe.
Ensuite, la juridiction prend une décision au vu des seuls éléments fournis dans la requête. Cette décision est l’ordonnance d’injonction de payer. Le créancier doit alors remettre l’ordonnance à un huissier de justice qui devra la signifier au débiteur. Un mois après cette signification, le créancier, s’il n’est toujours pas réglé de ce qui lui est dû, peut demander à la juridiction d’apposer la formule exécutoire sur l’ordonnance d’injonction de payer. Cette apposition de la formule exécutoire permet à un huissier d’entamer une exécution forcée.
Particularités importantes de la procédure d’injonction de payer
Une des particularités importantes de la procédure d’injonction de payer est donc de permettre à un créancier d’obtenir une décision de justice condamnant un débiteur sans procès. Afin de préserver les intérêts du débiteur, il est tout de même permis à celui-ci de saisir la juridiction qui a rendu l’ordonnance d’injonction de payer d’un recours appelé « opposition ». Seule cette démarche du débiteur consistant à former opposition à l’ordonnance d’injonction de payer permet à celui-ci de bénéficier d’un procès dans lequel il peut se défendre contre les demandes de son créancier.
Or, le délai pour faire opposition à l’ordonnance d’injonction de payer est d’un mois. Si le débiteur laisse expirer ce délai d’un mois, il ne lui est plus possible de contester la teneur de l’ordonnance d’injonction de payer.
L’enjeu du point de départ du délai d’opposition
Il existe donc un enjeu important autour de la question de savoir à quelle date commence à courir le délai d’opposition.
C’est à ce sujet que la cour de cassation est venue récemment rappeler dans un arrêt prononcé par la deuxième chambre civile en date du 18 février 2016 (Cass. civ. 2, 18 février 2016, n° 14-26.395,) qu’aux termes de l’article 1416 du Code de procédure civile « l’opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l’ordonnance. Toutefois, si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou en partie les biens du débiteur ».
Dans l’espèce ayant donné lieu à cet arrêt, un établissement de crédit disposait d’une ordonnance d’injonction de payer le solde d’un prêt destiné à financer l’acquisition d’un véhicule automobile. Tout d’abord, l’huissier n’est pas parvenu à trouver le débiteur, de sorte qu’il a signifié l’ordonnance en mairie le 7 mai 2001. Par suite de cette signification, la formule exécutoire a été apposée le 16 août 2001. Ensuite, l’huissier chargé de l’exécution de l’ordonnance a engagé une procédure de saisie du véhicule par déclaration à la préfecture (procédure prévue par l’article L. 223-1 du Code des procédures civiles d’exécution). En pratique, l’huissier muni de l’ordonnance portant injonction de payer revêtue de la formule exécutoire formalise deux actes : un acte signifié au Préfet et, ensuite, un acte signifié au débiteur contenant la copie de celui signifié au Préfet.
En l’espèce, le second de ces deux actes a été signifié au débiteur le 20 février 2002. Or, le débiteur a formalisé une opposition à l’ordonnance d’injonction de payer le 13 décembre 2011. Statuant sur cette opposition, le tribunal d’instance, et la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, ont déclaré cette opposition recevable, considérant qu’elle n’était pas hors délai.
Dans son arrêt du 18 février 2016, la cour de cassation est venue censurer l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article 1416 du Code de procédure civile. Il résulte de cette disposition que le délai d’un mois, en l’absence de signification à personne, ne pouvait courir qu’à compter du premier acte d’exécution rendant indisponibles en tout ou en partie les biens du débiteur. Il s’agissait donc de déterminer si la signification de l’acte de saisie du véhicule du débiteur opérée le 20 février 2002 était ce premier acte d’exécution faisant courir le délai d’opposition, étant souligné que cet acte n’avait pas été signifié à la personne du débiteur. Or, l’article L. 223-1, alinéa 2, du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de véhicules précise que « la notification de cette déclaration au débiteur produit tous les effets d’une saisie » et l’article L. 141-2 du même code ajoute que tout acte de saisie « rend indisponibles les biens qui en sont l’objet ».
La cour de cassation en déduit que le délai d’un mois pour former opposition avait commencé à courir à l’égard du débiteur dès le 20 février 2002, du fait de la signification du procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation, quand bien même cette signification n’avait pas été faite à sa personne.
La solution est bien évidemment sévère puisqu’en l’absence de signification à personne, le débiteur n’a pas eu connaissance de cet acte d’exécution entamé le 20 février 2002, et a très bien pu ne le découvrir que bien après l’expiration du délai d’un mois, par exemple au moment où il a souhaité revendre son véhicule.